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L’évolution des pratiques viticoles biologiques en Savoie

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Ah, la Savoie ! Ses montagnes majestueuses, ses lacs scintillants et, bien sûr, ses vins. Pour moi, la Savoie a une saveur particulière, celle de la découverte, du point de départ de ma passion pour le vin il y a plus de vingt ans. Aujourd’hui, je suis fasciné de voir comment ce vignoble, longtemps discret, connaît une transformation profonde, portée par un élan remarquable vers des pratiques viticoles biologiques et respectueuses de ce terroir unique. C’est une évolution que je suis avec attention et enthousiasme, car elle redessine l’identité même des vins savoyards.

Des pionniers éclairés à la prise de conscience collective

L’histoire récente de la viticulture biologique en Savoie n’est pas née d’un coup de baguette magique. Elle est le fruit de l’engagement de vignerons visionnaires qui, bien avant que le bio ne devienne une tendance, ont compris l’importance de travailler en harmonie avec la nature. Je pense notamment à des domaines comme le Domaine de la Gerbelle à Chignin, exploité par les fils Quenard, qui a obtenu sa certification biologique dès l’an 2000, une véritable gageure à l’époque. Leur démarche, comme celle d’autres précurseurs tels que Michel Grisard, repris plus tard par le Domaine Giachino, ou encore le Domaine Florent Héritier qui s’est converti en 2009 avant d’embrasser la biodynamie, a ouvert la voie. Ces pionniers ont souvent dû affronter le scepticisme, mais leur persévérance a démontré qu’une autre viticulture était possible, même dans le contexte parfois exigeant des Alpes.

Cette transition s’est accélérée sous l’effet d’une prise de conscience collective grandissante. Les préoccupations environnementales, bien sûr, mais aussi sanitaires. Comment ignorer les alertes lancées par des études scientifiques, comme celle de l’INSERM en 2013 pointant les risques liés à l’exposition aux pesticides ? Dans un pays comme la France, grand utilisateur de produits phytosanitaires, la pression sociétale et les inquiétudes des riverains des zones viticoles ont joué un rôle non négligeable. Je me souviens de discussions animées, il y a quelques années, sur la nécessité de réduire drastiquement la chimie dans les vignes. Voir aujourd’hui des jeunes vignerons, comme Mathilde Jacqueline près du lac du Bourget, bannir herbicides et produits de synthèse dès leur installation, montre à quel point les mentalités ont évolué. C’est un travail plus exigeant, demandant une observation constante de la vigne et une réactivité accrue face aux aléas climatiques, mais ô combien gratifiant.

Il ne faut pas sous-estimer les défis propres au vignoble savoyard. Les pentes souvent abruptes, pouvant atteindre 45% comme au Domaine Jean-François Quenard, rendent la mécanisation difficile et imposent un travail manuel conséquent à toutes les étapes. Le climat montagnard, avec son humidité et son ensoleillement parfois limité, peut aussi favoriser certaines maladies de la vigne. Pourtant, ces contraintes n’ont pas freiné l’élan biologique. Au contraire, elles ont poussé les vignerons à développer une connaissance intime de leur terroir et à innover pour trouver des solutions naturelles, renforçant ainsi le caractère unique des vins de Savoie issus de ces pratiques.

L’essor du bio et la diversification des approches durables

Aujourd’hui, la viticulture biologique n’est plus une niche en Savoie, mais une composante dynamique et reconnue du paysage viticole. Le nombre de domaines certifiés AB (Agriculture Biologique) est en constante augmentation, témoignant d’un engagement profond. Mais l’évolution ne s’arrête pas là. De nombreux vignerons vont plus loin, explorant la biodynamie (avec des certifications comme Demeter, obtenue par Florent Héritier en 2014) ou s’orientant vers les vins dits ‘naturels’, avec une intervention minimale en cave et des doses de soufre très réduites, voire absentes. Cette diversité d’approches est passionnante, car elle reflète différentes philosophies, mais partage un objectif commun : produire des vins vivants, expressifs et respectueux de leur origine.

Concrètement, comment cela se traduit-il dans les vignes et au chai ? L’abandon des produits chimiques de synthèse est la base, bien sûr. Mais les pratiques vont bien au-delà. On observe un retour marqué au travail du sol, combiné à un enherbement maîtrisé pour favoriser la vie microbienne et limiter l’érosion sur les pentes. L’utilisation de préparations naturelles, comme les tisanes de plantes (ortie, prêle, reine des prés…) ou les préparations biodynamiques (bouse de corne, silice), vise à renforcer les défenses naturelles de la vigne, comme le pratique le domaine Claude Quenard et Fils La Gerbelle. En cave, la tendance est à la réduction des intrants : levures indigènes privilégiées, limitation drastique du soufre, voire vinification sans soufre ajouté comme le propose le Domaine Berthollier, et recours à des élevages longs en cuve, fût ou même en amphore pour laisser le vin s’exprimer pleinement.

Valorisation du patrimoine et innovation

Cette évolution s’accompagne d’une formidable redécouverte et valorisation des cépages autochtones savoyards. La Jacquère, l’Altesse (ou Roussette), le Bergeron (la Roussanne locale), la Mondeuse noire… Ces variétés, parfaitement adaptées au terroir alpin, trouvent dans les pratiques biologiques un moyen d’exprimer toute leur finesse et leur typicité. Certains vignerons, comme le Domaine Berthollier, vont même jusqu’à réhabiliter des cépages oubliés comme le Persan ou le Bia Blanc, enrichissant ainsi le patrimoine ampélographique de la région. C’est là, à mon sens, que réside une partie de la magie : allier le respect des traditions et la préservation de la biodiversité à une approche moderne et durable.

L’engagement ne s’arrête pas aux portes du domaine. La filière s’organise et innove collectivement. Des démarches comme la Haute Valeur Environnementale (HVE), adoptée par certains domaines comme celui de Chantal Chevallier Bernard à Jongieux, encouragent une performance environnementale globale. Des projets de recherche, tel que VITIVALO mené par l’Université Savoie Mont Blanc, cherchent des solutions pour valoriser les déchets viticoles et limiter l’impact sur la qualité de l’air, comme mentionné sur Savoie.fr. La participation active des domaines bio aux salons professionnels (comme Millésime Bio) et aux événements locaux (Foire Bio de Savoie, Biennale des vins de Montagne), ainsi que l’organisation de portes ouvertes, comme celles du Domaine Giachino, contribuent à faire connaître et reconnaître la qualité et la spécificité des vins biologiques savoyards.

Cette effervescence autour du bio, de la biodynamie et du vin nature (Quelle Différence ? – Berthollier Vignerons explique bien ces nuances) est palpable. Elle est portée par une communauté de vignerons passionnés, désireux d’échanger et de partager leurs expériences, comme en témoigne l’appel à recensement sur le site domaine-biodynamie.com.

Le bio, révélateur de l’âme savoyarde dans le verre

Au-delà des aspects techniques et environnementaux, ce qui me touche le plus dans cette évolution, c’est son impact sur le vin lui-même. Pendant longtemps, les vins de Savoie ont parfois souffert d’une image un peu rustique. Aujourd’hui, grâce au travail méticuleux de ces vignerons engagés, ils révèlent une pureté, une fraîcheur et une minéralité exceptionnelles. Les vins blancs issus de Jacquère ou d’Altesse gagnent en précision et en éclat, tandis que les rouges de Mondeuse ou de Persan affichent une finesse et une buvabilité remarquables. Comme le souligne David Giachino, le passage au bio a apporté une minéralité accrue et un style plus épuré à leurs vins.

Je crois sincèrement que les pratiques biologiques et biodynamiques agissent comme un révélateur du terroir savoyard. En bannissant les artifices, elles permettent au sol, au climat et au cépage de s’exprimer avec une authenticité désarmante. Déguster un vin bio de Savoie aujourd’hui, c’est souvent faire l’expérience de cette fraîcheur alpine, de cette tension minérale héritée des sols d’éboulis calcaires ou des moraines glaciaires. C’est une invitation à redécouvrir la Savoie sous un jour nouveau, plus fin, plus vibrant.

Bien sûr, tout n’est pas simple. La conversion demande des investissements, la main d’œuvre est plus importante, et les rendements peuvent être plus aléatoires, soumis aux caprices de la météo. Mais la reconnaissance qualitative est là, portée par les critiques et surtout par les amateurs, de plus en plus nombreux à rechercher ces vins sincères et digestes. L’évolution vers le bio (Organic wine – Wikipedia offre un contexte global) en Savoie n’est pas seulement une réponse aux enjeux environnementaux, c’est aussi, et peut-être surtout, une quête de sens et d’excellence. C’est la promesse de vins qui ont une histoire à raconter, celle d’un lieu unique et des hommes et femmes qui le cultivent avec passion et respect. Pour l’amoureux des vins de Savoie que je suis, c’est une aventure passionnante à suivre et à déguster.

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